Quel journalisme sur le changement climatique?

Photo © V. Krebs
Photo © V. Krebs
19 juin 2007

Traduction de l'anglais par Sophie Colesse et Rabat Tounsi

Les journalistes jouent un rôle important dans la vie de tous les jours. Ils influencent et forgent l'opinion publique. Comment les journalistes peuvent-ils s'assurer que les questions liées au changement climatique ne soient non seulement abordées dans les médias, mais soient réellement comprises comme une priorité par ceux qui peuvent changer les choses? Quelles sont les questions clés autour du changement climatique et comment à l'avenir, auront-elles un impact sur les flux de populations (migrations, réfugiés et personnes déplacées à l'intérieur de leur pays)?
Qui doit payer la facture des conséquences du changement climatique? Ces questions et beaucoup d'autres ont été à l'ordre du jour durant les ateliers de Media21 qui se sont déroulés du 4 au 8 juin 2007 à Genève.

ICVolontaires a été impliquée dans la conférence pour apporter un appui logistique, pour effectuer des recherches et assurer l'accueil des participants de Media21. ICVolontaires a aussi contribué à la couverture photo et à la documentation de l'événement. Média21, Global Journalism Network Geneva, (http://media21.squarespace.com), est un programme qui rassemble des journalistes du monde entier autour d'un objectif fort qui est la prise de conscience du public pour des thématiques globales et plus particulièrement environnementales et cela à travers une meilleure couverture médiatique de part le monde, mais aussi une interaction plus efficace entre les médias et les sources d'information importantes telles que les gouvernements donateurs, les agences des Nations Unies, les ONG, le secteur privé, le secteur académique, et d'autres spécialistes impliqués dans ces secteurs. Le programme est coordonné par InfoSud.

La conférence d'une semaine est la première partie d'un programme pilote de deux semaines pour 16 journalistes expérimentés des pays en développement et de pays industrialisés. Durant ce premier volet, les journalistes des pays en développement ont participé à des séances d'information, des débats, des entretiens, et ont eu l'opportunité de faire du réseautage avec des représentants clés des Nations Unies, d'ONG internationales, de donateurs, d'instituts, d'établissement de recherche et du secteur privé.

Cette semaine a été suivie d'une excursion de deux jours dans les Alpes Suisses pour explorer le changement climatique en relation avec les communautés vivant dans les montagnes. Durant la deuxième semaine, des visites en Mauritanie et au Kenya ont eu lieu afin de recueillir documentation et témoignages sur le changement climatique et son impact sur l'économie locale, les agriculteurs, les nomades, la sécurité, les migrations, les réfugiés, les sources d'eau, et la pêche. Les journalistes sont rentrés à Genève pour une journée de débriefing. Ils ont été encouragés à écrire des articles, animer des blogs et produire des reportages audiovisuels destinés à la diffusion sur leurs chaînes respectives et/ou par le biais du site Internet de Media21.

Le mardi 6 juin 2007, au Centre International de Conférences de Genève des représentants du WWF, de l'Organisation Internationale de la Migration (IOM), de Cimera et de ProAct Network ont jeté les bases d'une discussion, une analyse et des commentaires de la part des journalistes participants concernant le lien entre le changement climatique, la responsabilité d'entreprises et les médias. Le modérateur, Charles Adams, un juriste spécialisé dans le domaine du droit international, a aussi intégré dans la réflexion la question liée à la responsabilité et les possibilités d'action juridique contre ceux qui sont responsables par leurs actions irresponsables.

Est la prévention encore possible et comment s'attaquer au changement climatique d'une manière plus générale?

Comme l'a souligné Charles Adams, la question fondamentale est de savoir si, à ce stade, la prévention est possible. Réponse : probablement pas. Alors, que peut-il être fait à ce stade?

Il semblait y avoir un accord autour du rôle fondamental des politiciens qui peuvent influencer les régulations environnementales, sur les contributions financières et les sanctions de ceux qui sont responsables et, sur la sensibilisation de l'opinion publique. Cependant, le problème face auquel on se trouve avec la majorité des politiciens semble être leurs visions à court terme: ils s'inquiètent pour leur mandat, et ne se projettent aucunement dans les 50 ou 100 ans à venir. La même chose est vraie pour les citoyens. Il est difficile d'esquisser une vision à plus long terme, particulièrement pour des pays tels que l'Inde et la Chine. Comment des pays riches et industrialisés peuvent-ils dire qu'il n'est pas possible pour ces nations d'atteindre le degré de développement dont jouissent l'Europe et l'Amérique du Nord depuis de décennies? Ceci est clairement un message difficile à faire passer a souligné Philippe Boncour de l'Organisation Mondiale pour la Migration (OIM).

Un journaliste des Philippines a remarqué que les questions liées aux migrations reçoivent beaucoup plus d'attention que par le passé. Il a souligné le fait que la migration n'est pas un phénomène nouveau pour des pays comme le sien où des conflits ont mené à l'exode des milliers de personnes.

"Ce qui a changé c'est l'accent mis par les médias sur le changement climatique," a-t-il dit. Les connexions entre l'environnement, les écosystèmes et l'agriculture sont hautement complexes. Et si un jour le monde devait compter 9 milliards de personnes et que tout d'un coup la surface habitable du monde diminuait par le fait de cette surpopulation, nous serions face à un problème très important.

Un autre participant a fait remarquer que tout le monde semble maintenant parler du changement climatique. "Cela fait penser au Y2K bug du millénaire." Charles Adams acquiesce, mais fait également remarqué que cela peut bien être vrai, mais que c'est précisément la furie autour de Y2K qui a permis d'éviter de sérieux problèmes. Si la question du changement climatique pouvait être résolue aussi facilement, ce serait très bien.

Qui doit payer la facture?

"Il est largement accepté que les pays du Nord (Amérique du Nord et Europe) ont contribué de façon importante au changement climatique. Ils devraient par conséquent payer pour certaines des conséquences." C'était l'avis de plusieurs participants. Philippe Boncour a fait remarquer que la question est maintenant de savoir comment faire accepter ce message aux gouvernements concernés de sorte qu'ils agissent réellement.

L'expansion du VIH/SIDA peut avoir un impact sur le paludisme étant donné que le système immunitaire des individus est affaibli, de la même manière, comme une conséquence des modifications climatiques, le sol se détériore. Nous ne comprenons ni contrôlons tous les effets directs et indirects que peuvent avoir ce genre de changements sur la flore et la faune de notre planète. Selon le représentant du WWF, Kit Vaughan, 20 à 30% de toutes les espèces disparaîtront probablement à la suite du changement climatique. Les récifs de corail, l'un des poumons du monde, mourront même avec un changement de seulement 2 à 3 C˚ de la température mondiale.

Et quelles sont les conséquences pour les êtres humains Kit Vaughan a demandé: "pensez-vous par exemple que Brighton dans le Sud de l'Angleterre serait d'accord d'accueillir massivement des pécheurs sénégalais?" Probablement pas... Cependant, l'histoire montre que les flux migratoires n'ont pas toujours des effets négatifs. David Stone, du Réseau ProAct, a souligné qu'en effet la peste de pommes de terre en Irlande a eu pour conséquence la migration massive d'Irlandais aux Amériques. Aujourd'hui, nous savons l'impact tout à fait positif que cela a eu pour les Etats-Unis d'Amérique.

Mais à qui la facture? Elle n'est pas des moindres: le panel qui est ce panel? ou parler des intervenants souligne que cette facture s'élèverait à 50 milliards de dollars selon Oxfam, 40 milliards selon la Banque Mondiale. Un journaliste du Pakistan regrette que ceux qui devaient payer  ne soient, de loin, absolument pas prêts à assumer ce type de responsabilité. Un autre journaliste des Seychelles a exprimé son point de vue en d'autres termes, pas facile d'y répondre: "nous, ceux des petites iles, que devons-nous dire à nos populations?" Ou encore "où devons-nous aller?" Alors que des négociations ont débuté avec l'Australie et la Nouvelle Zélande, il n'est sûr qu'il y a une acceptation probable de flux migratoires massifs dans ces pays.

Et la quête de solutions? Des petites iles seront obligées de faire face. Sur la notion du dommage environnemental et concernant le règlement de  la facture, un précédent intéressant s'est produit au Canada où les populations Inuits ont passé devant le tribunal dénonçant les pratiques irresponsables des compagnies pétrolières. Le jugement final est  en délibéré dans les tribunaux canadiens. La Cour Internationale de la Haye pourrait jouer un rôle important sur ces questions de responsabilité environnementale, a souligné Adams.

Comme les journalistes peuvent être les messagers?

La question clé pour les journalistes est de savoir comment présenter cette réalité afin d'avoir un impact. Une façon, est celle de faire entendre les voix de ceux qui sont les plus touchés: les populations, les victimes de décisions prises à l'autre bout du monde. On pourrait les appeler des témoins environnementaux, montrant du doigt les conséquences du changement climatique. La presse a dans ce cas un rôle de loupe. C'est également pour cela que le "journalisme responsable" est le chemin à prendre, se concentrant sur les questions fondamentales et relatant les faits de sorte qu'ils puissent  être compris par les leaders et les décideurs politiques.

Les journalistes participant à ce projet pilote de Media21 étudient les conséquences du changement climatique et analysent les exemples concrets. La question fondamentale qu'ils continuent de se poser  est : comment le message peut être transmis, aussi bien par rapport aux Alpes suisses que pour le cas de l'Afrique?

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